Une statue du corsaire turc Arroudj sur les terres de l’Aguelid Syphax
Quel est le seul pays au monde où l’on vénère les envahisseurs et où l’on ignore les héros ? C’est l’Algérie.
Les errements idéologiques du pouvoir algériens depuis l’indépendance, ont fini par faire de « l’ethnomasochisme » une véritable religion d’Etat. Au moment où les personnages emblématiques de l’Histoires algériennes sont exclus de l’espace publique, les hommages aux personnages étrangers controversés, se multiplient.
Après un monument à Jijel, une nouvelle statue à l’effigie du corsaire turc Arroudj Barberousse vient d’être érigée à Aïn Témouchent lieu où il fut tué par les espagnols en 1518.
Pourquoi les algériens doivent-ils alors glorifier Arroudj Barberousse ?
Né dans l’île de Midilli (Lesbos), d’un père turc et d’une mère grecque, Arroudj Barberousse( ou Aruj ) et ses trois frères deviennent dès leur jeune âge des marins, engagés dans le commerce maritime et du commerce international avant de se tourner vers la course très répandue à cette époque en méditerranée.
Arroudj et ses frères organisaient des raids sur les côtes de Calabre , de Ligurie , de Sicile , de Sardaigne, des Îles Baléares et des côtes espagnoles . En 1504, Arroudj et son frère Khair-Eddine demandent au sultan hafside de Tunisie, l’autorisation d’utiliser le port stratégique La Goulette pour leurs activités, à condition de livrer un tiers de leur proie au sultan. En 1514 les frères Arroudj délogent les Génois de Jijel.
Arroudj Barberousse le Régicide
En 1516 le gouverneur d’Alger Salim Toumi sollicite l’aide des frères Arroudj afin de prendre la petite fortification El Peñon que les espagnols ont construit à quelques encablures d’Alger. Cette fortification fut construite peu d’année avant en vertu d’un accord conclu entre les habitants d’Alger et le chef espagnol Pedro Navaro .
Arroudj Barberousse signe un traité avec Salim Toumi selon lequel le corsaire délogerait les 300 soldats espagnols embusqués dans le fort d’El Peñon et qui avaient la ville d’Alger au bout de leur canons.
L’historien américain Wiliam Spencer [1] dit à ce propos « un traité fut conclu entre la ville d’Alger et son nouveau protecteur en vertu duquel la souveraineté des habitants sur leur ville serait respectée et qu’aucune nouvelle taxe ne leur serait imposée. Le traité stipulait également que Arroudj Barberousse s’engagerait à respecter l’activité commerciale de la ville et que son action se bornerait à la prise d’El Peñon » .
Diego de Haëdo [2] ajoute : « les frères Barberousse acceptèrent cette demande d’aide et y voient une occasion de mettre la main sur Alger , une ville riche et très peuplée dont la position est très favorable pour les opérations de la course » .
Et comme prévu, après avoir délogé les espagnols du fort d’El Peñon , les turques commencèrent dès le premier jour , à se comporter comme les maîtres de la ville ce qui obligea Salim Toumi à se retirer dans la Mitidja de crainte pour sa vie . Mais Arroudj Barberousse, rapporte Wiliam Spencer, réussi à dissiper les craintes de Salim Toumi et l’attira à Alger . Il l’étranglera avec son turban alors que ce dernier se préparait pour la prière du midi .
Arroudj Barberousse est entré à Alger le 12 aout 1516 et il a assassiné Salim Toumi en septembre. Un mois après avoir venu en sauveur, Arroudj commettra un régicide qui va inaugurer trois siècle de domination ottomane en Algérie, une période pendant laquelle les Beylerbeys , les Deys , et les Beys , vont assujettir les algériens et réprimer dans le sang toutes leur révoltes .
Arroudj Barberousse ne va pas se contenter d’Alger , mais il va prendre la ville de Tlemcen . Les habitants de la ville, à l’image des algérois , qui ont solliciter son aide en premier lieu , ne vont pas tarder à s’insurger contre lui à cause de son despotisme . Ils appelèrent à la rescousse les espagnols , contre lesquels pourtant , l’appui de Arroudj fut sollicité . Ces derniers mirent en fuite le corsaire et le tuèrent près d’Aïn Témouchent , le lieu où la statue est érigée .
Les autorités algériennes viennent donc d’ériger une statue en l’honneur d’un envahisseur comme ils l’ont déjà fait avec Okba Ibn Nafi qui possède deux statues, une à Sidi Okba et l’autre à l’université de Biskra.
Ces mêmes autorités, fidèles à leur schizophrénie , refusent encore d’honorer la mémoire de grand Aguelid numide Syphax dont la capitale Siga, est à une trentaine de kilomètres de là.
Jugurtha Hanachi
[1] Spencer (William) : Algiers in the age of the corsairs.
[2] Diego de Haëdo , Histoire des rois d’Alger