Les “bandits d’honneur” de l’Aurès, les précurseurs du 1 novembre
« Dernier refuge de l’indépendance berbère, l’Aurès se dressa toujours comme le dernier bastion de l’insoumission, devant les conquérants étrangers » cette phrase de Mathéa Gaudry (1) résume à elle seule toute l’histoire des chaouis.
Les soulèvements de 1848, 1858, 1864, 1870, 1879 et 1916 forment les grands jalons d’une lutte incessante contre l’occupation française. Après 1916, l’étendard de l’insoumission a été repris par les bandits d’honneur « imbasian » . Ces justiciers, défenseurs des opprimés, ont entretenue la flamme de la révolte jusqu’au 1 novembre 1954 .
Après Messaoud Ugzelmadh et Boumasrane qui prirent les maquis après 1916 , c’était le tour de : Hocine Berrehaïl (a pris le maquis en 1942), Sadek Chebchoub dit « Gouzir » , Ali Darnouni, Messaoud Ugzalmadh II ( parent de son homonyme) , Aïssa Mekki, Belkacem Grine , Mohamed Bensalem Benamor, Mohamed Belaadel, Mohamed-Salah Bensalem, Salah Ouassaf, Lakhdar Bourek, Messaoud Mokhtari, Messaoud Maâche, Djoudi Bicha (dit Boucenna) , Mohamed Meziani et Ahmed Gadda.
Tous ces « bandits d’honneur » avaient déjà à l’époque une conscience patriotique et ne furent pas des brigands apolitiques comme les décrivaient alors la propagande coloniale. Sadek Chebchoub dit « Gouzir » (bon tireur en chaoui) était syndicaliste dans une mine de la région de Tlemcen et militant du Parti communiste. De retour dans sa région natale, il prend le maquis en 1952. Son épouse Aïda le rejoint et prend les armes à ses côtés. C’est par son intermédiaire que le PCA va organiser l’accueil dans les maquis de certains de ses militants (2).
D’après le témoignage d’Ahmed Gadda (3), ces bandits d’honneur, contactés par Ben Boulaïd dès 1947, ont constitué les premières caches d’armes qui avaient servi à la guerre de libération. Il existait alors un véritable marché parallèle des armes de guerre qui provenait d’un stock de la Seconde Guerre mondiale qu’on faisait entrer alors par contrebande.
Après la dissolution de l’Organisation Secrète (OS), c’est au sein de ces combattants que les militants recherchés : Abdelhafid Boussouf, Mourad Didouche, Rabah Bitat, Lakhdar Bentobbal, Youcef Zighoud, Abdeslam Habbachi, et Mostefa Benaouda trouvèrent refuge.
Le maquis de 1952
Un rapport du sous-préfet de Batna datant de 1952(4), fait état de l’existence d’un véritable maquis : « Depuis que, sous l’égide du PPA, l’union s’est réalisée entre les différents « bandits de l’Aurès » on peut dire qu’il existe, dans cette région un véritable maquis. Il comprend, en permanence, vingt à vingt-cinq « combattants » ; les sept « grands bandits », plus deux ou trois ‘’porte-fusil ‘’ pour chacun d’eux. Bien équipés et remarquablement armés, les « bandits » connaissent à fond la région dans laquelle ils évoluent … […]…En résumé, il semble bien que l’on se trouve en présence d’un véritable maquis en train de parfaire son organisation et son entraînement en vue d’opérations futures, qui pourraient revêtir un caractère véritablement insurrectionnel »
Le sous-préfet de Batna conclue son rapport en tirant la sonnette d’alarme sur une situation qu’il jugeait explosive : «Le ‘’problème de l’Aurès’’ a atteint un degré d’acuité tel qu’il n’est plus possible de le résoudre par les méthodes employées jusqu’à maintenant et sans le concours de l’autorité supérieure. Il dépasse actuellement largement le cadre des communes mixtes de l’Aurès et de Khenchela et même de l’arrondissement de Batna en raison de l’importance des moyens à mettre en œuvre » (5).
Les paroles du sous-préfet de Batna furent prémonitoires, le premiers novembre 1954 on retrouvera ces «bandits d’honneur » dans les premières lignes. Balkacem Grine tombera en champ d’honneur le 29 novembre 1954, dans le premier accrochage de la guerre de libération.
Jugurtha Hanachi
Note :
(2) Raymond Nart, « Histoire intérieure de la rébellion dans les Aurès : Adjel-Adjoul »
(3) Article intitulé « Le moudjahid Ahmed Gadda: les “bandits d’honneur” ont balisé la voie de la Révolution » publié le 1 novembre 2015 par l’APS (Algérie presse service) .
(4) Les Aurès. Rapport sur le maintien de l’ordre et la répression du banditisme (26 juin 1952) , in Revue administrative n° 346
(5) ibid