Le musicien Djamel Bensbaâ en grande détresse
Qui des mélomanes à Batna ne connaît pas la cave ? La cave à Batna est synonyme de Djamel Bensbaâ. Jo, pour les intimes, à l’âge de 54 ans et un foyer, il se retrouve sans ressources et est sur le point de sacrifier ce qu’il considère être sa plus grande conquête : sa guitare !
«C’est pour m’acquitter d’une dette envers l’épicier du coin», nous avance-t-il, dépité, comme pour s’excuser. En effet, sa guitare, offerte par un mécène, vient droit des Amériques et il ne s’en est jamais séparé. Les amis étaient mal à l’aise face à ce drame, car il s’agit effectivement d’un drame que de voir cet artiste, laissé pour compte par la politique culturelle qui règne, se séparer de l’instrument qui le fait respirer.
Une relation presque organique qui, si elle venait à subir la cassure, causera sans aucun doute la paralysie totale et par là même la fin de mission de la cave !
Un espace de quelque 12 m2, avec un tableau sur lequel sont accrochés quelques outils d’ébénisterie (ciseaux, maillet, râpes…) et un tableau à l’huile réalisé par l’Artiste-peintre Cherif Merzougui, qui aimait y venir prendre quelques moments de plaisir. Ce lieu reçoit depuis 1962 les artistes les plus connus de la ville de Batna. D’abord c’est le frère aîné qui ouvre le bal en réduisant cet espace en un studio de répétition et la tradition s’installe pour que le cadet prenne le relais.
Le benjamin qu’était Djamel et qui a grandi dans cette ambiance de musique et de convivialité ne pouvait pas s’empêcher lui aussi de faire de même. Déjà très jeune, il jouait de la derbouka et faisait partie de la chorale de la maison de jeunes. Il s’initiera plus tard, sans trop de difficultés, à la basse et intègre le groupe Kahina, à l’origine de Danadaini daïniya, le tube par excellence du début des années 1980. Une chanson qu’aiment fredonner, ou mieux encore, chanter en chœur lorsque ceux de la génération de ces années se retrouvent.
Il rejoindra plus tard le groupe Chelia, mais Djamel avoue que la meilleure expérience musicale, il l’a vécue avec Nouari Nezzar, une autre figure mythique de la chanson chaouie. Ensemble, ils ont réalisé une cassette de 8 chansons Chouchana, une musique pour le film Cris de pierres de Bouguermouh et autres tournées en duo.
Beaucoup de Batnéens lui reconnaissent sa disponibilité et lui témoignent le statut de véritable mentor. Beaucoup parmi eux ont appris à jouer de la guitare grâce à lui. La cave est, quant à elle, comparable à une ruche qui enfantait les artistes. A 54 ans, Djamel se voit paraphraser le poète dans son bilan et semble déclamer avec beaucoup d’amertume : «Au bout de mon âge qu’aurais-je trouvé, vivre est un village où j’ai mal rêvé !»
Lounes Gribissa