Le chaoui, cet homo-novembrus
Les Chaouis de l’émigration ont la même vision folklorique et réductrice de leur histoire , que les chaouis du pays . L’autre jour sur Tweeter, je suivais un échange entre une jeune chaouie et une française. Dans cette joute électronique, que d’aucun qualifierait de vive, la Chaouïa, comme elle se définissait, entreprit d’expliquer à son adversaire ce que sont réellement les chaouis.
L’observateur apprend que, décidément, la zik chaouie, ça déchire grave ! Et que les chaouïas sont : courageux Mashallah ! (mot très en vogue chez les jeunes maghrébins en France). Elle en veut pour preuve, que se sont eux, la nuit du premier novembre, qui ont pris les armes contre la France coloniale.
Dans une dizaine de tweets, la jeune chaouie fut incapable de définir l’histoire des siens, de décrire sommairement l’identité chaouie. En aucun moment, elle fit référence, ni à Dihya, ni Massinissa, ni Aksel, ni à l’amazighité en générale. Pour elle, l’histoire des chaouis a commencé dans la nuit du premier novembre 1954, à minuit plus exactement.
Cette fille, née et grandie en France, est tout comme la génération des chaouis nés au pays après 62 , victime de l’histoire officielle promue par le parti unique qui réduit l’Histoire des chaouis à la guerre d’indépendance, et cette dernière à la nuit du premier novembre.
Pendant des décennies, il était interdit de parler de l’exclusion de la wilaya I du congrès de la Soummam et les effroyables purges qui s’en sont ensuivis. Les jeunes chaouis ignorent aujourd’hui que leurs valeureux chouhada : Abbas Laghrour, Lazhar Cheriet, Mohamed Lamouri , Ahmed Nouaoura ,Houha Belaïd,Tidjani Athmani, Guerfi Rebaï, Ben Ali Mohamed, Bouhadiji El aâid, Chouchène Bahi, Hali Abdelkarim, Ettoumi, Hmimi Aït Zaouche, Abdelmadjid Zaârour, Mahmoud Mantouri et Soufi Abdelmajid , ont été tous tués par leurs frères d’arme sous les ordres du bien nommé ; comité de coordination et d’exécution.
Si, dans l’imaginaire collectif des auressiens, la nuit du premier novembre fut le mythe fondateur de la nation Chaouie, c’est également à cette unique occasion que l’on daigne s’intéresser à eux. Sur la chaine de télévision, on nous montre un ministre en train de déposer une gerbe de fleur devant un quelconque monument, ou de poser la première pierre pour la l’édification d’une structure commémorative. Entouré de la famille révolutionnaire, le ministre récite le catéchisme patriotique du Parti unique, avant de rendre ensuite hommage au rôle primordial d’Al awras Al acham (الأوراس الأَشم, Le vaillant Aurès) dans l’indépendance du pays.
La veille à minuit, les jeunes scoots auraient chanté quelques couplés ardents de Min Jibalina. Et des salves de baroud auraient résonné dans l’air devant la kasma du FLN en présence de quelques anciens Moudjahidin enveloppés dans leur dignité et dans leur burnous noir.
Le cortège officiel laisse l’Aurès comme il l’a trouvé, c’est-à-dire miséreux et sous-développé. Dans les bagages du ministre aucun projet de développement, ni routes, ni hôpitaux, ni usines, mais des grands mots : Patrie, sacrifice, champ d’honneur, …Etc.
C’est ainsi, combiné au discours panarabiste Boumediénéen, ce «novembrisme » exacerbé a ralenti considérablement le combat identitaire dans l’Aurès.
Cette hypertrophie du sentiment nationaliste, ce trop-plein patriotique a fait du pays chaoui l’une des régions les plus pauvres de l’Algérie et où la société civile est la plus frileuse. Les chaouis vivaient et vivent encore aujourd’hui de nationalisme et d’eau fraîche !
Jugurtha Hanachi