Brahim Tazaghart « Le Théâtre Amazigh arrive à maturité, c’est désormais un théâtre professionnel »
La 10eme édition du festival national du théâtre amazigh s’est clôturé avant-hier 19 décembre au Théâtre régional de Batna. Nous avons rencontré quelques heures avant le baisser de rideau, Brahim Tazaghart le président du jury du festival.
Il a accepté de répondre à nos questions.
Nous arrivons ce soir à la clôture de cette 10e édition, quel bilan faites-vous de la participation de cette année ?
Tout d’abord je tiens à remercier les organisateurs, à leur tête le commissaire du festival Salim Souhali pour l’accueil et les conditions agréables de travail. Comme je tire mon chapeau pour le magnifique public qui était à la hauteur de l’événement avec une présence massive tout au long du festival.
Je crois que le festival national du théâtre amazigh qui fête sa dixième année arrive à maturité. C’est désormais un théâtre professionnel qui n’a rien à envier aux autres théâtres .
Certains disent que le théâtre Amazigh est resté cantonné dans la satire sociale, dans le sketch plus au moins léger …
Je ne suis pas d’accord avec ce constat. J’en veux pour preuve la diversité des thèmes abordés par les pièces qui ont participé cette année : on a eu des textes philosophiques, des adaptations de tragédies grecques, des textes tirés de la littérature universelle, tous les thèmes sont abordé d’une manière formidable, l’écriture par cliché est dépassé par le théâtre amazigh.
L’esthétique des textes respectent désormais les standards professionnels, et lorsqu’on professionnalise la production en mettant les moyens, le résultat est toujours satisfaisant, l’exemple des théâtres régionaux est édifiant à cet égard.
La complicité entre la scène et le public a été formidable. Et même si le public était chaouiphone dans son ensemble, cela n’a pas empêché l’interactivité entre ce dernier et la scène.
Justement, durant la journée d’étude organisée à la marge du festival, vous avez plaidé pour la création d’ateliers de traduction inter-variantes. Quel est le rôle que vous assignez à ces ateliers ?
Dans le théâtre nous avons la possibilité de contrôler la création du néologisme pour rapprocher les variantes et aller vers une standardisation convergente de tamazight, et de permettre à toutes les variantes d’avancer en même temps. C’est la raison pour laquelle j’ai fait la proposition de l’écriture intervariante .
Dans la réalité, nous avons le kabyle qui est très bien doté de productions artistiques dans tous les genres littéraires : nouvelle, poésie, roman, théâtre. Le kabyle ne doit pas se détacher des autres variantes par la qualité et la quantité de sa production littéraire, il doit aider les autres variantes à enrichir la bibliothèque amazighe commune.
Ensuite viendra le rôle de l’enseignement. Il ne faut pas qu’il y ait une rupture entre la langue de la mère et celle de l’école (qui est la seconde mère). L’élève doit commencer à apprendre tamazight dans sa variété locale et ensuite seulement , la convergence avec les autres variantes arrivera. Le but est de rapprocher les différentes variantes amazighes et à terme, arriver à une intercompréhension.
En plus des théâtres régionaux, des associations et des coopératives de théâtre ont pris part au festival malgré le manque de moyens
En effet il y avait beaucoup d’amateur qui ont participé à cette 10e édition à l’image de la troupe de Beldet Omar de Ouargla, d’ Akbou wilaya de Bejaia , d’Iferhounen wilaya de Tizi Ouzou , et de Ghardaïa .
Il faut que l’Etat mette les moyens pour aider toutes ses associations. Nous avons abordé dans nos recommandations la problématique de la formation et avons proposé des ateliers, des cycles de formations, et des rencontres thématiques, en faveur de ces associations et coopératives théâtrales.
Nous avons également préconisé que la pièce couronnée du premier prix puisse effectuer une tournée nationale, et qu’elle soit traduite dans toutes les variantes amazighe. Nous avons aussi émis le vœu de voir des pièces en Tamazight représenter l’Algérie dans les festivals à l’étranger.
Propos recueillis par : Jugurtha Hanachi