Biskra, reine des Zibans
En allant de Batna vers le sud, la route de l’Atlas se faufile dans les gorges spectaculaires d’El Kantara. Alors, tout à coup, s’ouvre un vaste espace saharien. Cette porte du désert n’est pas seulement géographique. Elle est aussi climatique. En hiver, le froid et parfois la neige, sévissent sur les hauts plateaux de la région de Batna. En sortant d’El Kantara, un tout autre monde s’ouvre à perte de vue. Le désert prend tout à coup possession du paysage où les pluies se font plus rares.
Alors, plus loin dans cet espace saharien, le voyageur venu du nord arrive à Biskra, première oasis du grand désert.
L’exposition « Biskra, Sortilèges d’une Oasis » organisée par l’Institut du Monde arabe à Paris (du 23 septembre 2016 au 23 janvier 2017), sponsorisée par l’Algérie, retrace donc cette période prestigieuse Elle s’efforce de recréer l’atmosphère saharienne de son oasis.
Cette rétrospective comporte un grand nombre de documents visuels ou sonores. Elle se compose de documents explicatifs, de cartes, d’affiches, de peintures ou de photographies anciennes. Il y a également des courts-métrages en noir et blanc. On pourrait craindre qu’il s’agisse d’une exposition au relent colonial. En réalité il n’en est rien. D’abord parce que beaucoup de documents ou de tableaux sont l’œuvre d’artistes locaux. Ensuite, parce qu’il s’agit d’une exposition sponsorisée en grande partie par la République algérienne. Certaines œuvres exposées ont une provenance lointaine de Sydney à Washington D.C. Deux mondes se côtoient : les édifices en pisé et les seguias de la palmeraie, comme les constructions de l’époque coloniale (la poste, la gare, le casino et les jardins). Les environs de Biskra sont également évoqués :Chetma, Sidi Okba, les dunes d’Oumach, la palmeraie de Tolga. Il s’agit en outre d’une évocation des artistes locaux sur ce qui est convenu d’appeler l’École de Biskra, ou encore des célébrités diverses venues y chercher l’inspiration, comme Oscar Wilde, Anatole France ou Eugène Delacroix, précurseur des Orientalistes.
Voici quelques artistes figuratifs venus chercher exotisme et inspiration dans la région de Biskra :
Belle rétrospective donc. On pourrait toutefois lui reprocher de ne pas avoir ajouté une dimension contemporaine supplémentaire, outre le plan de la ville d’aujourd’hui. Est-ce à dire que cette période faste est à jamais révolue ? N’existe-t-il pas des artistes locaux, peintres ou photographes, perpétuant l’œuvre des maîtres d’antan ? Dans les années 80, le jardin Landon avait encore un pavillon destiné à servir d’atelier aux jeunes Biskris… Le visiteur, comme les anciens résidents de Biskra, peuvent donc se poser la question de savoir à quoi ressemble la cité du XXIe siècle et si les émules de l’Art y trouvent encore leur inspiration. On pourrait tout simplement faire le vœu de conserver l’esprit de «Biskra, Sortilèges d’une Oasis» pour générer la création d’un musée local destiné à préserver l’héritage artistique et d’en faire une source d’inspiration.Christian Sorand
Le blog de M. Sorand ici