Basilique de Vegesela , la plus ancienne église donatiste de Numidie
C’est au pied du mont Tafrent près de la ville de Aïn Touila (W. Khenchela) que se trouvent les ruines de l’antique cité de Vegesela, l’un des foyers du schisme donatiste au IVe siècle.
C’est dans cette ville que se rencontrèrent en 347 les envoyés de l’empereur romain Constant et les évêques donatistes de Numidie. Au lieu d’obtenir la réconciliation, cette rencontre se transforma en répression sanglante contre les donatistes.
En 1882, E. Masqueray a signalé l’existence d’une basilique et d’un fort byzantin, quelques années plus tard Pierre Cayrel entrepris des fouilles dans les ruines de la basilique et en fait la description fort détaillée[1].
Plan et construction
L’église, écrit Pierre Cayrel , est presque exactement orientée, elle a la forme d’un rectangle de vingt-six mètres de long sur douze mètres de large, divisé en trois nefs et que termine à l’est, formant une saillie de 2,10 m ( voir le plan ci-contre) , une abside de 4,50 m d’ouverture. Les murs, qui, dans les parties les mieux conservées, ne s’élèvent pas à plus de 1, 50 m de hauteur, sont d’une épaisseur moyenne de 0 ,50 m. Ils étaient construits en blocage, avec des chaînes de pierres de taille qui, parfois, sont restées seules debout sur la façade, on a mis à jour le seuil de l’entrée. Il n’est pas exactement dans l’axe de la nef centrale, mais déplacé par rapport à cet axe d’une quarantaine de centimètres vers la droite.
Long de 1 ,74 m, il présente à chaque extrémité une mortaise allongée. Les deux montants qui flanquent ce seuil ne s’élèvent plus qu’à 0,50 m et 0,23 m de hauteur, mais on voit encore sur le plus haut d’entre eux une cavité carrée de 0 ,07 m de côté, qui faisait sans doute partie du système de fermeture.
La nef centrale est large de 4 ,5O m , chacun des collatéraux de 2,80 m. Les deux lignes de supports qui les séparaient se terminaient par deux pilastres adossés aux murs de façade (M et Ν sur le plan) et reposant sur des bases attiques avec lesquelles leur première assise fait corps.
La face du pilastre Ν a été noircie par le feu. Du côté nord, le premier support que l’on ait rencontré à partir de ces pilastres est la colonne I. Mais du côté sud, à 1 ,85 m du pilastre, on a dégagé le pilier à ressauts figuré en L, analogue à ceux que l’on trouvera dans le chœur et décoré sur les quatre faces. On a donc supposé l’existence d’un pilier symétrique qui a disparu. Le reste du quadralum populi n’ayant pas été déblayé jusqu’aux deux colonnes les plus proches du presbyterium (G et H), on ignore si cette disparité des supports est un accident, ou si elle avait une loi. Les trois colonnes G, H et I reposaient sur des bases attiques à socle élevé. On notera en Κ un pilier octogonal de faible section, dont on ne voit pas quel était l’office : il n’est pas à l’alignement de la colonnade, on ne peut donc songer à l’y intégrer. On n’a pas retrouvé le pilier symétrique.
Quant au sol des nefs, n’ayant rencontré ni mosaïque, ni pavement d’aucune sorte, on doit supposer qu’il était simplement en terre battue. Mais les deux grandes dalles qui figurent sur le plan dans le collatéral sud posent un problème. Disposées l’une à côté de l’autre d’une façon qui exclut l’idée du hasard, elles sont à peu près à la hauteur de la cassure du pilier L, c’est-à-dire à 0,74 m au-dessus de la base de ce pilier, et à un mètre sans doute au-dessus du sol antique. Doit-on y voir le niveau du sol à une seconde époque de l’édifice? On ne saurait l’affirmer, surtout avant de s’être assuré s’il y a ou non des dalles semblables dans les parties non déblayées du quadratum populi.
A l’alignement des deux colonnes G et H, deux petits piliers quadrangulaires a et b, terminés par un élégant couronnement, marquaient sans doute l’entrée du chœur. L’un d’eux est brisé au sommet et à demi renversé. Le chœur s’étendait, jusqu’à l’abside surélevée, sur une profondeur de 5,20 m. En avant du soubassement de l’abside, quantité de menus charbons et surtout une fosse rectangulaire contenant un squelette à peu près complet indiquent la place de l’autel. Cette fosse, disposée dans le sens de la longueur de l’église (cf. le plan) et profonde de 0,40 m, a été construite avec le plus grand soin. Quatre grandes dalles, épaisses de 0,09 m et parfaitement ajustées, en forment les parois. Il y avait un couvercle en pierre, dont le bord formait une saillie qui, sur les petits côtés, venait s’engager dans des feuillures pratiquées sur la tranche des dalles, tandis que sur les grands côtés ce même bord du couvercle était simplement posé sur la tranche de la dalle. Mais ce couvercle avait été brisé et présentait des cassures béantes. La fosse avait-elle contenu, outre le squelette, un coffret à reliques qui aurait été volé? C’est possible. Quant à savoir quel martyr ou quel saint avait mérité l’honneur d’être enseveli sous l’autel, aucune inscription n’est venue le révéler.
Trois fragments de petits arcs de pierre, décorés sur une face, trouvés non loin de là donnent à penser que l’autel était couvert d’un ciborium.
La porte
C’est là aussi que gisaient, les deux moitiés d’une porte de pierre présentant, avec différents ornements, les inscriptions Domus Dei et Aula pacts[2] haute de 1 ,65 m, large de 0 ,70 m, épaisse de 0,14 m, elle offre sur une de ses tranches verticales quatre cavités rectangulaires, auxquelles correspondent des trous circulaires percés dans l’épaisseur de la porte, le tout destiné à assurer la fermeture. Cette porte devait, les inscriptions l’exigent, occuper une place en vue dans le sanctuaire. Etant donné l’endroit où on l’a trouvée, et compte tenu de ses dimensions, on est tenté de la rétablir entre les petits piliers qui marquent l’entrée du chœur. Mais cela sans certitude aucune.
Décoration
La décoration de la basilique était de deux sortes, décoration sur pierre et décoration en plâtre. Les piliers, pilastres, voussoirs, etc., sont abondamment ornés de ces sculptures à relief plat dont la technique est imitée de celle du bois et dont on a de nombreux exemples dans les églises africaines.
Même les soffites de certains voussoirs sont décorés. Presque tous les ornements sont géométriques : rinceaux, rosaces de différents types, enfermées ou non dans des carrés ou des cercles, hélices, marguerites, feuilles opposées, losanges et bâtonnets, grecques simplifiées, croix gammées, dessins d’arcades et de portes.
Quant à la décoration en plâtre, on en a retrouvé des fragments très nombreux, mais extrêmement mutilés, concentrés en avant du presbyterium. Presque tous paraissent provenir de l’arcature dont on a parlé plus haut. Les bandeaux concentriques dont se compose chaque arcade sont ornés d’oves, de bâtons brisés, de perles et de pirouettes, de grains. Ces plâtres étaient coloriés : beaucoup de grains ont gardé leur teinte rouge, et les bâtons brisés offrent des traces de jaune.
La « memoria » de Marculus
Merculus est l’un des célèbres martyres donatistes . Lors de la rencontre entre les évêques donatistes de Numidie et les envoyés de l’empereur romain Constant à Vegesela , il fut prisonnier par ces dernier qui le précipitèrent quelque temps après, du haut d’un rocher .
Sa tombe à Nova Petra ( nord de Batna) devient pour les donatistes , un lieu de pèlerinage très populaire et très fréquenté.
Les habitants de Vegesela lui ont consacré cette memoria à l’intérieur de la basilique, elle se composait d’une cuve de pierre et de quatre dalles présentant des feuillures. La cuve est de forme ronde, évasée vers le haut. Sa hauteur, mesurée à l’intérieur, est de 0,44 m; le diamètre de l’orifice est de 0,55 m entre les parois, qui sont épaisses de 0,05 m. Cette cuve n’offre aucune décoration. Des quatre dalles, trois ont été retrouvées en place : elles étaient posées de champ, de manière à former autour de la cuve un cadre rectangulaire. Les deux dalles parallèles à la longueur de l’église, qui formaient les petits côtés du rectangle, présentent chacune un grand chrisme. La quatrième dalle a été retrouvée par terre, en avant de l’ensemble. Ses dimensions comme sa forme prouvent que, posée de champ elle aussi, elle constituait le dernier côté du rectangle, c’est-à-dire la face antérieure du petit monument. Elle est décorée d’ornements à relief plat, d’un travail très soigné. Cette décoration forme un cadre élégant autour d’une inscription qui révèle la nature de tout l’ensemble :
MEMORIA DO
MNIMARCHULI
Pierre Cayrel pense que la memoria de Marculus fut élevé à une date où il restait encore, à Vegesela, des témoins de la bastonnade de 347, c’est-à-dire plutôt dans le dernier tiers du IVe siècle, et que la construction de la basilique est antérieure à la memoria , ce qui fait du la basilique de Vegesela , la plus ancienne église donatiste .
Jugurtha Hanachi
Note :
[1] Cayrel Pierre. Une basilique donatiste de Numidie. In: Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 51, 1934. pp. 114-142 .
[2] La locution Domus Dei, pour désigner l’église, est courante dans l’épigraphie africaine (surtout si l’on tient compte des expressions synonymes), et particulièrement dans la région de Khenchela et d’Ain Beïda. Elle se lit au-dessus de l’entrée de l’église, soit vers l’extérieur, soit vers l’intérieur.
La locution Aula pacts est nouvelle dans l’épigraphie chrétienne. Seuls les donatistes utilisait ce terme Aula pour désigner l’église, on y a retrouvé une inscription analogue à Cedias ( Tazougaght) .